Le football européen a vécu un tremblement de terre inédit, dans la nuit de dimanche à lundi, lorsque les douze clubs les plus puissants d'Europe ont annoncé la création d'une nouvelle ligue fermée et indépendante: la Super Ligue. Les secousses se sont largement fait sentir outre-Manche, puisque la moitié des clubs inclus dans ce projet évolue en première division anglaise.
Tous les clubs du Big Six, expression désignant communément les six plus grosses équipes du pays, ont intégré ce projet destiné à renflouer les caisses de ces mastodontes via des droits TV astronomiques. Même si l'idée d'une Super Ligue avait plusieurs fois été évoquée ces dernières années, sa concrétisation a fait l'effet d'une bombe. Tout particulièrement en Angleterre, d'où le football tire ses racines et où ces clubs ont été créés par la classe ouvrière, il y a plus d'une centaine d'années.
L'ancien défenseur de Manchester United et actuel consultant sur Skysports Gary Neville a été un des premier à s'exprimer publiquement contre cette infamie.
La réaction des fans ne s'est évidemment pas faite attendre. Les réseaux sociaux des clubs concernés ont été inondés de messages fustigeant ce nouveau projet et du hashtag #SayNoToEuropeanLeague. Plusieurs d'entre eux sont même descendus dans la rue pour manifester. Le coup d'envoi du match de championnat entre Chelsea et Brighton a ainsi été repoussé en raison des supporters qui ont envahi les abords du stade et ont retardé l'arrivée des équipes.
Fair play to Chelsea fans. 👍🏽https://t.co/sBM5TFTyZ3
— Stan Collymore (@StanCollymore) April 20, 2021
Dindons de la farce, les autres clubs de Premier League ont également condamné publiquement le projet de Super Ligue. En effet, l'initiative mettait en péril l'intégralité du système pyramidal du football, dans la mesure où l'argent serait monopolisé par les grandes puissances et ne ruissellerait plus (ou moins) sur les différents échelons de la pyramide.
D'autres clubs ont choisi l'humour pour dénoncer l'aberration de la proposition. Sur son compte Twitter, Wolverhampton s'est auto-adjugé le titre de champion d'Angleterre en 2019, une saison où les Wolves avaient terminé 7e... derrière les six équipes du Big six.
It's probably too late for a parade 🏆🥳 pic.twitter.com/qEc24zBb7l
— Wolves (@Wolves) April 20, 2021
Conscient des enjeux économiques - et de l'opportunité de gagner des points dans l'opinion public -, Boris Johnson s'est joint à la manifestation. Le premier ministre britannique a déclaré que tous les moyens légaux étaient actuellement à l'étude pour tenter de stopper cette initiative.
Plusieurs entraîneurs et joueurs ont également pris position, plus ou moins directement, contre le choix de la direction de leur club. Maître tacticien au bord de la pelouse, l'entraîneur de Manchester City Pep Guardiola a notamment livré une leçon sur les éléments essentiels du football en conférence de presse.
🙏 L'incroyable plaidoyer de Pep Guardiola contre la Super League !
— beIN SPORTS (@beinsports_FR) April 21, 2021
⚽ “Ce n'est pas du sport si le succès est déjà garanti” pic.twitter.com/XerG4iglnH
Et soudain, sous la pression conjointe des différentes parties prenantes, le château de cartes doré s'est brutalement effondré. Les clubs anglais ont été les premiers à se retirer de ce projet mort-né. Puis, l'Inter Milan, la Juventus, l'AC Milan et l'Atletico Madrid leur ont emboité le pas, ne laissant plus que Barcelone et le Real Madrid dans leur prison dorée.
Tour à tour, les clubs ont reconnu leur erreur publiquement. L'exemple le plus éloquent provient certainement de Liverpool. Quasiment invisible sur le plan médiatique, son propriétaire américain John W. Henry a fait son mea-culpa devant les caméras.
Manchester United est aussi allé de son statement. Alors soulagé Gary ?
I’ve read this 3-4 times now . Quite possibly the worst communication I’ve ever seen in my life! https://t.co/C0Rc8dsUWq
— Gary Neville (@GNev2) April 21, 2021
Ah ben non, toujours pas... Et on le comprend.
L'enchaînement des événements laisse perplexe. Si la création de la Super Ligue ne représentait qu'une demi-surprise, l'incapacité des dirigeants à mener à bien une réforme qu'ils mijotent depuis plusieurs années est peut-être encore plus stupéfiante.
#SuperLeague 😂😂😂 pic.twitter.com/aPvG28agWF
— Jamie Carragher (@Carra23) April 20, 2021
Avaient-ils sous-estimé les leviers de l'UEFA, la FIFA et les instances politiques pour faire pression sur leur nouveau joujou ? Avaient-ils négligé le poids de l'histoire et les valeurs qui différencient le domaine du sport de celui des entreprises traditionnelles ? Et surtout n'avaient-ils donc pas anticipé la fronde de supporters, littéralement sacrifiés au profit de marchés plus juteux ?
On n'arrive pas à y croire... et pourtant. Ce fiasco est une nouvelle preuve éclatante que les propriétaires de clubs, aveuglés par le profit, sont de plus en plus déconnectés de la réalité du terrain et de l'essence même du sport. Garants de ces valeurs, les fans se sont chargés de ramener les mégalos sur terre.
Mais le mal est fait et le dégât d'image énorme. La confiance des fans a été grandement fragilisée, même si le traumatisme fut éphémère. A-t-on atteint la limite à ne pas franchir ou s'agit-il simplement d'une nouvelle étape nous rapprochant de la création d'une ligue élitiste ?
En tous les cas, la communauté européenne du football a délivré un message clair: elle n'est pas prête à accepter un système de ligue fermée inspiré de la culture du sport-spectacle américain. L'initiative démontre également l'urgence de mener des réformes en profondeur pour réguler le football et assurer sa durabilité.
On ne peut que laisser le mot de la fin à Gary Neville, qui n'a visiblement pas décoléré contre ces bandits «qui ont essayé de fuir avec les joyaux de la couronne». On pourrait presque croire au lancement d'une nouvelle série Netflix...
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